Pourquoi les jeux vidéo du Web3 ne sont toujours pas au niveau?
L’année 2023 a été une véritable fête pour les gamers, avec des titres comme Baldur’s Gate , Zelda: Tears of the kingdom ou encore Alan Wake 2 ou Spiderman 2… qui ont littéralement enflammé nos écrans. Ces jeux, c’est du lourd : gameplay accrocheur, histoires captivantes, graphismes à couper le souffle. Pendant ce temps, dans le coin un peu obscur de la pièce, on trouve les jeux Web 3,0, faisant de grands gestes pour attirer notre attention avec leurs NFTs scintillants et leurs promesses de décentralisation.
Ah, les jeux Web 3,0 ! On nous les vend comme la prochaine grande révolution du jeu vidéo. Propriété numérique, économies intégrées, tout ça grâce à la magie de la blockchain. Mais, soyons honnêtes, jusqu’à présent, ils semblent plus être une curiosité de niche qu’une véritable révolution ludique. Alors, pourquoi cette nouvelle vague de jeux crypto peine-t-elle à rivaliser avec les mastodontes du jeu traditionnel ?
Eh bien, nous avons décidé de creuser la question. Nous allons regarder au-delà du battage médiatique des NFTs et explorer ce qui rend les jeux Web 3,0 si différents, mais aussi pourquoi ils n’ont pas encore réussi à capturer nos cœurs de joueurs comme l’ont fait les titres phares de 2023. Est-ce une question de technologie, de design, ou simplement de timing ?
Contexte et Évolution des Jeux Web3
Ah, l’histoire des jeux vidéo… Une saga épique qui a vu des pixels grossiers se transformer en mondes virtuels époustouflants. Nous n’avons malheureusement pas le temps de tout refaire, donc commençons à l’époque des jeux crypto.
Au début, les jeux vidéo et la blockchain flirtaient timidement. On se souvient tous des premiers jeux Web3, un peu gênant, mais en même temps, c’est le début n’est-ce pas ? Prenez CryptoKitties, par exemple. Le concept ? Élever et échanger des chats virtuels sous forme de NFTs.
Mignon, mais pas vraiment le genre d’aventure qui vous tient éveillé toute la nuit. Et pourtant, ce jeu a fait le buzz en 2017, congestionnant même le réseau Ethereum à l’époque. C’était nouveau, c’était fun, mais soyons réalistes, ça n’allait pas remplacer Zelda: Breath of the Wild, sortie la même année.
Je sais ce que vous pensez, comment peut-on comparer un mastodonte du jeu vidéo par rapport à CryptoKitties ? Et vous avez raison, on ne peut pas. Prenons CryptoKitties, un jeu créer par AxiomZen, une « Start-up qui crée des start-ups », comme l’indique leur site web.
C’est donc un nouveau studio qui sort son premier jeu. Le concept est tout nouveau : on peut élever et échanger des chatons sous forme de NFT, sur la Blockchain Ethereum. Enfin, « nouveau », l’économie, elle, est nouvelle.
Le gameplay, lui… eh bien on se rapproche plus du Tamagotchi (et encore) qui faisait déjà fureur dans les cours d’école des années 90. Plus tard, AxiomZen sortira Kittyverse, qui proposera plus d’options ; des « combats » de chatons (des paris), des Marketplace et bien plus — toujours en lien avec nos petits chatons. Bref, toujours pas de vrai gameplay en vue.
Côté gaming « classique », un petit studio appelé Studio MDHR, quelques mois après CryptoKitties, sort lui aussi son tout premier jeu : Cuphead. Dès sa sortie, le jeu est adulé par les critiques ; pour son level design, son gameplay rapide et énervé, son niveau de difficulté qui en fait rager plus d’un, sa bande originale incroyable… C’est un carton. Mais encore une fois, ce n’est pas comparable.
La « révolution » de CryptoKitties ne réside pas dans le jeu en lui-même, elle réside simplement dans le côté économique du jeu : les joueurs peuvent se faire de l’argent en « jouant » et surtout, en échangeant leur petit chat. On nous vendait un système monétaire basé sur les NFT, pas un divertissement. Les « joueurs » de CryptoKitties ne sont pas des joueurs, mais en fait, des investisseurs.
L’innovation était dans l’utilisation de la technologie blockchain, tout le reste n’était qu’une pâle imitation d’un jeu web 2.0. C’était nouveau, c’était fun, mais soyons réalistes, ça n’allait pas remplacer « The Witcher 3 » dans nos cœurs. Ce n’est que le début, me direz-vous, de nos jours les jeux blockchain sont bien mieux et bien plus amusant. C’est vrai, mais pourquoi sortir un jeu, s’il n’est pas amusant ?
Play to earn ou pay to win?
Alors, on arrive au gros morceau : l’économie des jeux Web3. On nous vend souvent le concept de « Play to Earn » (jouer pour gagner) comme la révolution du jeu vidéo. Mais est-ce vraiment le cas, ou est-on plutôt dans une version déguisée du bon vieux « Pay to Win » ?
Les mois passent et le concept de « Play to Earn » est né. Ici, les jeux Web3 ont commencé à nous parler d’argent, de vrais gains. Un exemple parfait est le fameux « Axie Infinity ». Un monde où vous élevez, combattez et échangez des créatures adorables, les Axies, et où vous pouvez gagner de la crypto en jouant. Sur le papier, ça sonne comme un rêve devenu réalité pour tout gamer.
Pour rejoindre le jeu, les nouveaux joueurs doivent acheter des Axies, trois minimum, ce qui coute parfois des centaines voire des milliers d’euros. Donc, avant même de commencer à « gagner », vous devez déjà « payer ». Et pas qu’un peu.
Ces achats génèrent des profits pour les joueurs existants, qui ont vendu leur Axies. Ces nouveaux joueurs, à leur tour, doivent espérer que d’autres personnes rejoignent le jeu, pour acheter des Axies, et ainsi de suite. Vous l’avez c’est bon ? Eh oui, Axie Infinity est un système pyramidal ! Si l’afflux de nouveaux joueurs s’arrête, la valeur des tokens chute, et bonjour les pertes. C’est même marqué sur leur page Wikipédia anglaise…
De plus, ce modèle économique soulève une question éthique. Est-ce que le but d’un jeu doit être de gagner de l’argent, ou de s’amuser ? Dans le cas d’Axie Infinity, on a parfois l’impression que le plaisir de jeu passe au second plan, éclipsé par la course aux gains financiers. Les combats sont fades et lents, et soyons honnêtes, quasiment identiques a Slay the Spire.
Sans surprise, l’accueil de la communauté des joueurs à ces premières tentatives a été, disons, mitigé. Les puristes du jeu vidéo voyaient ces jeux plus comme des schémas de gain rapide que de véritables expériences ludiques. Et ils n’avaient pas tout à fait tort. Beaucoup de ces jeux manquaient de profondeur, de richesse narrative ou de gameplay accrocheur — des éléments essentiels qui font qu’on se perd pendant des heures dans les mondes virtuels.
Axie Infinity et d’autres jeux Web3 similaires se trouvent à la croisée des chemins entre le jeu et l’investissement financier. Et cette frontière floue entre « Play to Earn » et « Pay to Win » pose un sérieux problème : elle peut transformer une expérience ludique en une sorte de casino numérique, où le plaisir de jouer est secondaire par rapport à l’appât du gain. Est-ce vraiment la direction que nous voulons que l’industrie du jeu prenne ?
Les Défis Actuels des Jeux Web3 – Qualité et Expérience de Jeu
Bon, parlons brièvement des défis que rencontrent les jeux Web3, parce que franchement, il y en a pas mal. Le premier gros hic, c’est la qualité et l’expérience de jeu. Quand on compare les jeux Web3 aux mastodontes de l’industrie des jeux traditionnels, eh bien, ils sont à des années-lumière. Que ça soit dans le gameplay, le scénario, l’expérience de jeu, la musique… Les jeux web 3.0 n’ont pas le niveau.
Un bon jeu vidéo, c’est comme un bon film : il vous transporte dans une histoire captivante. Malheureusement, beaucoup de jeux Web3 se contentent de greffer des éléments blockchain sur des mécaniques de jeu assez basiques, sans vraiment s’embarrasser d’un gameplay innovant. Regardez la majorité des jeux Web3. Ils ressemblent souvent à des répliques un peu fades de jeux Web 2,0. Combien de clones de « FarmVille » ou « TFT » avec des NFTs avons-nous vus apparaître ?
Les développeurs de jeux web 3.0 ont tendance à se concentrer tellement sur l’aspect « tokenomics » ou « gagner de l’argent » qu’ils en oublient les fondamentaux : un gameplay engageant, une histoire intrigante, des personnages mémorables, le tout, pour un moment divertissant.
Les jeux Web3, pour l’instant, semblent avoir du mal à sortir de l’ombre de leurs prédécesseurs Web 2.0. Ils ont certes le potentiel de changer la donne, mais pour cela, ils doivent d’abord relever le défi de fournir une expérience de jeu qui va au-delà de la simple spéculation sur des NFTs.
Questions Techniques
Entrons maintenant dans le vif du sujet technique des jeux Web3. Vous pensiez que le lag était votre pire ennemi dans les jeux traditionnels ? Attendez de voir les problèmes de scalabilité et de performance liés à la blockchain. La blockchain, c’est génial sur le papier, mais quand il s’agit de gérer des millions de transactions pour des jeux populaires, ça devient un peu la foire d’empoigne. Les retards de transaction et les frais élevés peuvent transformer une expérience de jeu agréable en un véritable casse-tête logistique.
Pour le gamer moyen, entrer dans le monde des jeux Web3, c’est un peu comme essayer de déchiffrer un manuscrit. Entre la création de wallets, les transactions en cryptomonnaie, et la compréhension des NFTs, c’est presque un jeu en soi, et pas le plus amusant. Pour beaucoup, c’est un obstacle déjà trop grand. Pourquoi se compliquer la vie avec toutes ces étapes quand on peut simplement appuyer sur « jouer » ?
De plus, les cryptomonnaies et les NFTs sont encore dans une zone grise légale dans de nombreux pays. Certains gouvernements commencent à frapper à la porte de ces mondes virtuels avec des règles et des taxes. Cela pourrait amener des complications supplémentaires pour les joueurs et les développeurs. Imaginez devoir déclarer vos gains de jeu à votre administration fiscale locale. Pas vraiment le genre de « bonus » que les joueurs espèrent obtenir.
En somme, entre les défis techniques, les barrières à l’entrée, les risques de sécurité et les incertitudes réglementaires, les jeux Web3 ont encore beaucoup de chemin à parcourir. Ils doivent non seulement prouver qu’ils peuvent offrir une expérience de jeu enrichissante, mais aussi qu’ils peuvent le faire de manière sûre, stable et accessible.
Rencontre avec Olga de Spielworks : « Un jeu “Nul” restera nul »
Dans le cadre de notre exploration du secteur des jeux vidéo Web3, j’ai interviewé Olga, responsable des communications chez Spielworks, une entreprise innovante dans le domaine du développement, de la publication et de la distribution de jeux blockchain.
Spielworks, bien que pionnière dans l’adoption du Web3, a connu des débuts difficiles. Comme l’explique Olga, leur tentative initiale avec le jeu évolué (Evo gaming) n’a pas rencontré le succès escompté. Elle souligne que cette expérience est une réalité courante dans l’industrie des jeux Web3 : la difficulté de concilier innovation technologique et engagement ludique.
Face à ces défis, Spielworks a adopté un modèle hybride, récompensant les joueurs avec des crypto-monnaies et des NFT pour leur participation à des jeux grand public, comme Call of Duty ou encore World of Tanks. Bien que cette approche ait aidé à construire une base d’utilisateurs solide (environ 4,7 millions de personnes), elle met en lumière une lacune majeure du secteur : la dépendance à des incitations externes plutôt qu’à la qualité intrinsèque du gameplay.
Olga reconnaît que de nombreux acteurs du Web3 priorisent la technologie blockchain avant l’expérience de jeu elle-même. Cette tendance conduit à des jeux qui, bien que technologiquement avancés, manquent souvent de l’engagement et de la profondeur nécessaires pour captiver les joueurs traditionnels :
« Les développeurs de jeu web 3.0 ont tendance à prioriser une économie, et font tout pour sortir leur jeu le plus vite possible, avant que quelqu’un ne leur “pique l’idée”. […] Mais le CEO de valve l’a bien dit : un jeu nul, restera nul. Prenez le temps. »
Le Défi de l’Expérience Utilisateur
L’expérience utilisateur (UX) est un autre point critique. Olga mentionne que, bien que Spielworks ait réussi à attirer des utilisateurs via des récompenses, cela a soulever des questions sur la durabilité de l’engagement des joueurs. Une UX mal conçue ou axée uniquement sur les aspects Web3 peut dissuader les joueurs recherchant une expérience de jeu authentique.
Une solution que propose Olga est « d’éduquer les joueurs aux complexités du Web3.» Cependant, elle reconnait que cela souligne également une barrière à l’entrée élevée pour les joueurs non initiés, freinant l’adoption généralisée des jeux Web3. Avant de conclure, Olga nous dit que Spielworks va emprunter un autre chemin en 2024 : promouvoir les petits studios indépendants avec des idées nouvelles.
Conclusion : Des Progrès à Faire
L’interview avec Olga de Spielworks met en évidence que, malgré des progrès significatifs, le secteur des jeux vidéo Web3 doit encore surmonter des obstacles. La clé du succès réside dans l’équilibre entre innovations blockchain et une expérience de jeu captivante, axée sur le joueur. Pour l’instant, cette harmonie reste dure à atteindre, expliquant pourquoi les jeux vidéo Web3 n’ont pas encore atteint le niveau de leurs homologues traditionnels. Même si des jeux blockchain “Triple A”, commencent à voir le jour, comme Shrapnel ou Illuvium, cela ne change rien au fait que ces jeux sont encore une fois, fortement inspirés de jeu web 2.0, il suffit de regarder le nombre de joueurs connectés :
Repensons à l’année dernière, quand Snoop Dogg a fait équipe avec The Sandbox pour créer son propre “manoir” virtuel, promettant des soirées privées dans ce monde numérique. The Sandbox (qui est encore une fois, reprends simplement les codes d’un jeu web 2,0) fait la promo de cet évènement sur les réseaux sociaux. Pendant ce temps, Snoop Dogg, figure emblématique de ce partenariat, joue tranquillement à Call of Duty sur Twitch.
Cette situation soulève une question cruciale : comment des jeux comme “Call of Duty” ont-ils atteint leur statut légendaire ? La réponse est simple : du divertissement pur. Des jeux grandioses, des gameplays innovants, une immersion inégalée, et bien sûr, un mode en ligne addictif qui a dévoré des heures de notre adolescence. Call of Duty n’est pas seulement un jeu ; c’est une expérience, une culture, un phénomène social.
Cette vidéo capture parfaitement cette idée :
Un peu longue, mais si vous avez le temps, n’hésitez pas.
Les développeurs Web3 semblent parfois mal comprendre cette essence du gaming. Certes, les joueurs aiment les FPS et les TPS, mais copier cette formule et y ajouter des moyens de gagner de l’argent ne suffit pas pour créer une communauté. Parce que oui, au cœur de l’industrie du jeu vidéo, c’est bien la communauté qui fait la différence. Un point commun avec les cryptomonnaies, certes, mais avec une différence fondamentale : les joueurs veulent jouer, les investisseurs investir.
Peut-être que le vrai problème des jeux Web3 n’est pas dans leur technologie ou leur gameplay, mais dans la narration qu’ils essaient de vendre. Gagner de l’argent en jouant est une idée séduisante, mais si l’expérience de jeu n’est pas au rendez-vous, à quoi bon ? Les heures passées sur un jeu devraient être un plaisir en soi, pas juste un moyen de remplir son portefeuille virtuel.
En fin de compte, les jeux Web3 ont du potentiel, mais ils doivent apprendre de leurs prédécesseurs. Le divertissement, l’engagement et l’immersion doivent venir en premier ; les aspects économiques ne sont que secondaires. Si les jeux Web3 peuvent capturer l’essence de ce qui rend un jeu mémorable et addictif, tout en intégrant intelligemment les éléments de blockchain, alors ils pourront prétendre à une place dans le cœur des joueurs. Jusque-là, ils resteront des curiosités numériques, des expériences intéressantes peut-être, mais loin de l’impact culturel et communautaire des géants du jeu vidéo.
Sources : Game Awards, Wikipédia, AxiomZen, Cryptokitties, Studio MDHR, Spielworks, Youtube
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