Les ambitions de Bitpanda en France : entretien avec Thomas Romain, directeur commercial
Fondée en 2014 par Eric Demuth, Paul Klanschek et Christian Trummer, la plateforme Bitpanda, historiquement bien implantée en Allemagne, en Suisse et en Autriche, a récemment nommé un nouveau directeur commercial en France, signe de ses ambitions sur le marché tricolore.
Pourra-t-elle grignoter des parts de marché jusqu’à remettre en cause la suprématie de Binance, leader jusqu’ici mais qui connaît de nombreux déboires ? Nous avons voulu en savoir plus et avons interrogé Thomas Romain sur sa stratégie : c’est l’interview de la semaine.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis chez Bitpanda depuis un an et demi. Mon aventure crypto a commencé en 2019 et 2020 quand le Covid est apparu et que nous avions tous plus de temps devant nous. Cela s’est transformé en un emploi à temps plein en 2022 pour le groupe Bitpanda, où je me suis occupé des partenariats stratégiques pour la France, l’Espagne, la Suisse. Puis j’ai eu l’opportunité de reprendre la partie France depuis novembre.
Comment définir ce qu’est Bitpanda aujourd’hui ? Un exchange crypto ? Une plateforme d’investissements diversifiés ?
Bitpanda est une plateforme multi-actifs qui permet à ses utilisateurs d’investir leur argent comme ils le souhaitent. Aujourd’hui, de nombreux outils financiers classiques offrent à leurs clients des paniers d’investissements, mais avec Bitpanda vous pouvez choisir sur quels actifs vous souhaitez investir, que ce soit dans les cryptos, les actions, les ETF… le tout à partir de 1€. Et avec des frais réduits par rapport à d’autres acteurs institutionnels comme votre banque. Nous ne sommes pas nouveau : cela fait presque 10 ans, depuis 2014, que nous existons. Nous sommes Européens, une entreprise autrichienne, et nous avons plus de 4 millions d’utilisateurs en Europe.
Et en France ?
Le noyau dur de notre base clients se trouve en Allemagne, en Suisse et en Autriche, ce qui représente environ 60% de notre clientèle. Le reste est réparti dans le reste de l’Europe, avec une grosse partie en France, d’où notre effort sur ce marché aujourd’hui.
Quelles caractéristiques du marché français vous intéressent en particulier ?
Ce qui est intéressant c’est la profondeur du marché français. En terme de taille et de volumes, il est similaire au marché allemand. Mais en France, nous avons à la fois des personnes qui ont 45 à 60 ans, et des personnes de 18 à 25 ans qui commencent leur parcours d’investissement. C’est très éclectique. Nous y voyons un potentiel assez flagrant pour y faire grandir notre base d’utilisateurs.
Quel est le profil des utilisateurs de Bitpanda ?
Nous avons un peu de tout, à la fois des personnes dans l’écosystème depuis plusieurs années, tout comme des profils arrivés plus récemment. Certains utilisateurs ont commencé à s’intéresser aux cryptos en 2022, se sont inscrits sur la plateforme. Ils attendaient le bon moment pour investir. Aujourd’hui, ils peuvent diversifier leurs investissements grâce à nos outils.
Vous aussi, vous constatez un regain d’intérêt sur les marché des cryptos ces dernières semaines ? Comment cela se traduit-il concrètement ?
Un peu comme tout le monde, nous sommes très contents de voir les volumes et le prix du Bitcoin (BTC), ou de Solana (SOL), redécoller. L’activité redémarre, cela faisait plus d’un an qu’on attendait cela. Avec le “halving” attendu pour fin avril 2024, et le potentiel spot ETF attendu pour les prochaines semaines ou les prochains mois, ce sont des bonnes nouvelles. On est passé d’un sentiment de méfiance au début 2022 à un sentiment plus positif aujourd’hui. Les gens ont davantage confiance.
La confiance, justement, a été plutôt mise à mal en 2022 et en 2023, entre les chutes de Terra Luna, Three Arrows Capital, Celsius, FTX, ou plus récemment les amendes contre de Binance. Peut-on restaurer la confiance dans les échanges centralisés ?
Depuis le début, nous avons fait le choix d’investir dans la sécurité et la conformité. Nous sommes responsables des actifs de nos clients (custodial). Nous avons acquis plus de 10 licences dans différents pays, ce qui nous permet aujourd’hui d’être approuvés par des régulateurs comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France, ou la BaFin (Autorité fédérale de supervision financière) en Allemagne. Nous avons des licences MiFID, PSD, EMI, qui sont très lourdes et difficiles à obtenir.
Je pense qu’après une dizaine d’années d’existence, il est temps pour la crypto en général de passer à une phase plus sérieuse, plus robuste, et c’est justement notre credo.
Serez-vous prêts pour l’entrée en vigueur du règlement européen MiCA, fin 2024 ?
Nous sommes déjà en lien avec les régulateurs et oui nous serons prêts.
Quels sont vos projets pour l’année à venir ?
Nous travaillons sur plusieurs produits en cours de développement qui seront annoncés en temps et en heure. Nous aurons aussi des actions marketing, comme du sponsoring, avec pour ambition d’être plus présents sur le marché français. Mon objectif c’est que la première plateforme à laquelle les gens pensent quand ils pensent crypto, ce soit Bitpanda.
Beaucoup d’exchanges ont introduit les cartes cryptos en 2020, avec des résultats plus ou moins probants. Quel bilan tirez-vous de ce service ?
Nous la proposons à nos clients. Est-ce que cela répond à un besoin ? Oui, mais pour une catégorie de population qui n’est pas aussi grande que ce qu’on pense. La majorité des personnes utilisent encore la monnaie fiat pour effectuer des paiements, plutôt que les cryptomonnaies. Néanmoins cela arrive progressivement, et je pense qu’à terme, lorsque la crypto sera démocratisée, il y aura davantage de possibilités avec ces outils de paiement.
C’est officiel, nouveau rôle (cf. bio) et nouvelle photo de profil!
Trop hâte de vous montrer nos plans pour 2024 avec @Bitpanda_FR ! pic.twitter.com/Hc1NWtjlWG
— Thomas Romain (@ThomasRBitpanda) November 9, 2023
Quelques questions en rafale pour conclure : plutôt TradFi (finance traditionnelle) ou DeFi (finance décentralisée) ?
Les deux ont un intérêt, ce n’est pas tout noir ou tout blanc. Nos clients utilisent la TradFia au quotidien, et c’est essentiel pour nous. La DeFi est aussi très intéressante pour les opportunités qu’elle propose pour le futur, même si très peu de personnes l’utilisent de manière permanente à ce jour.
Plutôt Bitcoin ou Ethereum ?
A titre personnel, Bitcoin. Mais les deux présentent des valeurs différentes et intéressantes.
Plutôt Visa ou Mastercard ?
Nous travaillons avec Visa pour nos cartes de débit, et nous avons un très bon partenariat avec eux, ainsi que des discussions intéressantes régulières sur l’avenir du Web3.
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