L’attaque à 51% et le pouvoir limité de Bitmain
Photo: Pixabay / JavadR
“L’attaque à 51%”. Une peur latente et obscure, dont beaucoup de personnes ont entendu parler, mais qui est en général mal comprise.
Est-ce qu’elle signerait la fin de Bitcoin ?
De quoi s’agit-il exactement ?
Quelles sont les probabilités d’une telle attaque sur Bitcoin ?
Qu’est-ce qu’une attaque à 51% ?
Une attaque à 51% représente la possibilité pour une entité qui dispose de la majorité de la puissance de minage (aussi appelée hashrate) totale d’une cryptomonnaie, de pouvoir annuler des transactions qui ont eu lieu dans les heures précédentes, ainsi que de créer de nouvelles transactions depuis des adresses contrôlées par cette entité.
Pour comprendre comment cela fonctionne, il faut comprendre le principe du minage: des ordinateurs rentrent en compétition les uns avec les autres afin de trouver un hash du bloc valable avant tous les autres. Le premier qui réussit à trouver cette solution valide toutes les transactions en attente sur le réseau et récolte une récompense de 12,5 bitcoins. La probabilité de résoudre le problème est directement proportionnelle à la puissance de calcul de chaque machine.
Supposons qu’un attaquant dispose d’une très importante puissance de calcul, supérieure à celle de tous les autres intervenants combinés, plus de 50% du total. Il pourrait alors réaliser l’attaque suivante:
- L’attaquant envoie un montant en bitcoins très important à une personne, afin d’obtenir un service ou un produit en échange
- La transaction en question est insérée sur la Blockchain par l’un des mineurs
- En parallèle, l’attaquant fait fonctionner son propre matériel de minage pour créer de nouveaux blocs, mais sans les publier. Ils sont en tout points semblables aux blocs publiés, mais ne contiennent pas la transaction en question
- Le correspondant, voyant que la transaction a été validée, envoie le produit ou réalise le service
- Dès réception du produit ou du service, l’attaquant publie les blocs qu’il a minés en secret. Comme il dispose de plus de puissance de calcul que le reste du réseau, sa version de la Blockchain est considérée comme la bonne
- Dans cette nouvelle version de la Blockchain, la transaction correspondant à l’achat effectué n’existe pas. L’attaquant récupère donc ses Bitcoins, mais la victime ne peut plus récupérer le produit qu’elle a envoyé.
Bitmain est aujourd’hui l’acteur qui détient la plus importante part du hashrate
L’entreprise Bitmain concentre, via ses pools de minage, une forte partie de la puissance de calcul sur Bitcoin. La firme chinoise ne montre pas de signes de ralentissement et lance prochainement une IPO de l’ordre de 18 milliards de dollars.
Il est donc légitime de se demander quel impact cela pourrait avoir sur la sécurité du réseau et quel degré de confiance les utilisateurs peuvent lui accorder, alors qu’une entité unique s’impose et s’accapare un pourcentage grandissant du hashrate.
Bitmain est propriétaire des pools de minage Antpool et BTC.COM, ainsi que l’actionnaire principal de ViaBTC, qui détient la plus grande part de la puissance de calcul servant à sécuriser le réseau. Cette puissance combinée est si importante qu’elle s’est approchée à plusieurs reprises de la barre des 51%. Au 23 juin 2018, la répartition du hashrate sur Bitcoin était la suivante :
Ce n’est pas la première fois que cela arrive sur Bitcoin, mais à chaque fois que cela s’est produit, la communauté a réagi à pleine puissance.
En 2014, Ghash a atteint 55% du hashrate sur Bitcoin, malgré avoir annoncé publiquement qu’il ne dépasserait pas la barre des 40%. Exode des mineurs de la pool, attaques DDoS de leurs serveurs et sites web, Ghash fait désormais partie des livres d’histoire. Une leçon importante et qui montre le pouvoir de la communauté Bitcoin et les capacité d’auto-régulation du réseau.
Aujourd’hui, il est compliqué de savoir si une résistance similaire est en action contre Bitmain. Ce qui est sûr, c’est que le pourcentage de hashrate des pools contrôlées par Bitmain a chuté significativement, pour atteindre aujourd’hui les 32% contre 42% il y a encore deux mois de ça:
Bitmain n’a aucun intérêt à lancer une attaque à 51%
Nous l’avons vu, lancer une attaque à 51% implique notamment de posséder une puissance de calcul phénoménale, mais également qu’elle ne soit pas en ligne: pour que l’attaque réussisse, il faut que les machines minent, mais que personne ne voie les nouveaux blocs.
Cela impliquerait donc que Bitmain fasse disparaître du jour au lendemain plus de la moitié de la puissance de calcul totale du réseau Bitcoin, sur trois plateformes différentes, et qu’il continue à miner en secret jusqu’à la réalisation de l’attaque. Autrement dit, ce serait extrêmement visible, et l’intégralité de la communauté saurait immédiatement qu’une attaque serait en préparation. Une fois celle-ci exécutée, les conséquences en matière de relations publiques pour Bitmain seraient extrêmement négatives, certainement mettant en péril son développement futur.
Il faut également considérer que Bitmain n’est pas le propriétaire in fine de cette puissance de calcul. De nombreuses personnes et entreprises utilisent Bitmain pour effectuer leur minage en se connectant sur ses plateformes, mais pourraient en changer en quelques minutes. On ne connaît pas à l’heure actuelle la puissance de calcul qui appartient de fait à Bitmain et ses succursales, mais on est loin des 51%. Il est probable que, si la puissance totale du réseau de minage Bitmain disparaissait d’un coup en préparation d’une attaque, beaucoup de membres de leur réseau changeraient de plateforme en quelques heures, rendant l’attaque difficile à mener.
De plus, il serait totalement illogique pour une entité comme Bitmain, dont le business a généré 2.5 milliards de dollars en 2017 et déjà plus de 10 milliards de dollars de profit en 2018, avec des investissements en infrastructure colossaux, de s’attaquer au réseau qui le fait vivre, avec pour conséquence directe de tuer son business. Gardons une chose en tête : plus le prix du Bitcoin est élevé, plus le minage est rentable à difficulté constante.
Aujourd’hui, à 0.06 cents/kWh (prix en Chine), en minant avec des Antminer S9, les plus puissants ASICs sur le marché pour le moment (développés par Bitmain), miner du Bitcoin est profitable tant que le prix reste au dessus des 3600$. Cela est plus efficacement illustré par l’augmentation continue du hashrate sur Bitcoin, malgré la tendance baissière du marché :
Ainsi, porter n’importe quelle type d’attaque sur la chaîne viendrait au détriment de la valeur du réseau Bitcoin, et serait donc un business-killer.
De plus, si Bitmain est responsable pour plus de 50% du hashrate, cela veut dire que s’ils décident de miner une blockchain secondaire dans le cadre d’une attaque, le hashrate sur Bitcoin diminuerait significativement, un signe avant-coureur qui serait facile à repérer sur Bitcoin, mais compliqué sur d’autre blockchain PoW, qui sont déjà habituées à ces variations de par leur hashrate significativement plus petit que celui de Bitcoin, comme cela a pu être le cas sur Bitcoin Gold.
En conclusion, non seulement l’impact d’une attaque à 51% serait relativement faible sur le réseau, mais elle serait à priori beaucoup plus visible sur Bitcoin que sur un altcoin. Aussi, la visibilité d’une telle attaque ferait que l’attaquant perdrait toute crédibilité, dans une industrie où la réputation est importante et les alternatives faciles à créer.
Enfin, pour rappel que nous évoluons dans un milieu jeune et en questionnement constant, Vitalik Buterin a fait écho cette semaine a une solution potentielle à l’attaque à 51% qui avait été décrite par Leslie Lamport et pourrait faire monter ce chiffre à 99%.
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Cet article vous est présenté par l’équipe de Coinhouse.
Avertissement : Cette chronique ne reflète pas nécessairement l’opinion de CryptonewsFR et ne constitue en aucun cas des conseils à l’investissement ni des consignes de trading.